A propos de "La fin du travail et la mondialisation"
Revue Philosophique de la France et de l'étranger. Octobre - Décembre 1998
Cet ouvrage d'économie politique, qui fait appel, par exemple, à Platon, Rousseau, Kant, Hegel ou Hannah Arendt, se propose d'éclairer le fonctionnement du monde économique, social et intellectuel d'aujourd'hui.
Selon l'auteur, fin du travail et mondialisation, thèmes majeurs des représentations dominantes de la situation économique et sociale actuelle, mystifient la réalité. L'idéologie de la fin du travail est pourtant démentie par la condition de l'homme qui, pour vivre, doit agir sur la nature, de plus en plus transformée. La dévalorisation idéologique du travail va de pair avec la baisse de valeur de la force de travail. Ce qui entraîne du chômage, c'est le progrès technique en tant qu'il est investi dans le mode de production capitaliste, et non point ce progrès en lui-même.
Marx avait déjà compris que le capital appelle un marché mondial. De l'exportation des marchandises, on est passé à celle des capitaux. Hiérarchisée, la mondialisation des capitaux s'est autonomisée, se déconnectant de l'économie réelle, productrice. Au keynésianisme et à la social-démocratie se substituent une stratégie monétariste et dérégulatrice et une inflation de capital virtuel. A l'économie réelle l'auteur oppose le fictif - que nous préférons dénommer virtuel - et le mythe de l'idéologie. Or, la réalité comporte plusieurs niveaux et il y a notamment une réalité - et donc une efficience - du virtuel, de même que de l'illusion et de l'idéologie.
Depuis trois décennies, l'État est de moins en moins le lieu d'un compromis entre classes - rôle d'arbitre admis par Jean Jaurès. Il se conforme à l' "ordre" des marchés, grâce à quoi la cybersociété est censée s'autoréguler - avec, ajoutons-nous, une complexité que ne pouvait atteindre la société des Harmonies économiques de Frédéric Bastiat. D. Collin aurait gagné à souligner que, en vertu même de son analyse, la mondialisation, au stade actuel, se différencie fort de ce qu'elle pouvait être avant notre demi-siècle. Ainsi ce que, aujourd'hui, elle naturalise idéologiquement, c'est la financiarisation mondiale.
Le présent ouvrage manifeste que l'économie, comme les autres sciences sociales et sciences humaines, gagne à consulter la philosophie et à lui emprunter. Réciproquement la philosophie ne doit-elle pas réfléchir à partir de ce qui devient son monde ? Son rôle critique ne doit pas l'enclore en elle-même. En outre, l'éthico-axiologie indique les chemins de la raison en direction d'un ordre mondial enfin juste. L'auteur aurait dû proposer des moyens opératoires pour faire reculer le règne de l'argent en vue du seul dénouement qu'il retienne, la substitution d'une mondialisation socialiste à la mondialisation libérale du capitalisme.
Jean-Marc GABAUDE.
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Ecrit par Jean-Marc GABAUDE le Mercredi 16 Mars 2005, 15:12 dans "Publications" Lu 5823 fois.
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