Samedi (07/04/18)
Dans son Cours De Linguistique Générale, Saussure annonce la naissance d’une science générale des signes ou sémiologie qui, parmi les différents systèmes de signification, comprend ce système particulier qui trouve son expression dans le langage. Roland Barthes, considérant qu’il n’y a pas de sens qui ne soit nommé propose la réduction de la sémiologie à la linguistique du moment que le monde des significations passe toujours par la médiation du langage qui les nomme. Le contenu de toute culture, en effet, est toujours exprimable dans la langue de cette culture et il n’existe pas de matériaux linguistiques qui ne soient les symboles de signifiés réels. Le progrès linguistique de l’humanité a toujours synchrone avec le développement technique des cultures : c’est la même structure mentale et cérébrale qui permet à l’homme de se rapporter au monde aux moyens de la fabrication d’outils ou au moyen de symboles linguistiques.
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Dimanche (01/04/18)
Commençons par préciser le sens de notre interrogation. Dans
Le politique Platon s’interroge sur la science qui doit être celle du politique, sur ce que doit être la « science royale ». Il ne s’agit pas de savoir quelle est la « bonne politique », quel modèle de cité doit être visé (c’est dans
La République et dans
Les lois que Platon essaie de répondre à ces questions. Si la
polis peut durer, si l’ordre juste qui la caractérise est instauré, c’est seulement parce que ses principes découlent d’une connaissance vraie. Ce qui ne va pas sans poser des problèmes sérieux. Si la politique en tant qu’action des gouvernants repose sur une science, elle est donc nécessairement réservée à la minorité de ceux qui sont instruits de cette science et donc la démocratie, dans son sens strict est impossible ou vouée au chaos – ce qui est précisément la position que soutient Platon.
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Quand on parle du sport, il faut commencer par dire précisément ce que l’on entend par là. Quand je fais de la randonnée en montagne, je ne fais pas du sport ; quand je tape dans un ballon avec des copains, je ne fais pas du sport ni quand je vais à piscine ou que je me livre à n’importe quelle autre activité physique. L’exercice physique, l’éducation physique même, ce n’est pas le sport. Pour commencer, il faut dire que le sport est un système politique, organisé à l’échelle mondial et qui s’et ramifié dans toutes les nations.
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Où suis-je ? La question est moins commune que « qui suis-je ? », mais elle n’est pas moins retorse. Où suis-je ? Je peux répondre en donnant mes coordonnées géographiques ou en criant pour qu’on m’entende bien : « je suis ici ! ». Cependant, cette localisation spatiale n’épuise pas la question. Je localise mon corps, mais « je », où est-il ? Peut-on réduire le sujet (« je »), l’homme au sens propre et complet du terme au corps propre ? Peut-on affirmer sans plus que le « je » est localisé dans un corps que je sais localiser par ses coordonnées spatio-temporelles ? Si on définit le sujet comme l’auto-perception, le phénomène de conscience propre à l’être humain, il n’est pas absolument certain que je puisse dire que « je suis dans mon propre corps » ou encore que mon ami Paul est dans le corps humain qui est assis dans le fauteuil à ma droite. Ne devons-nous pas déduire de ces interrogations qu’il y a du sens à affirmer que l’homme est hors de son propre corps ? Et donc nous devons d’abord nous demander si l’homme est d’abord dans son corps afin, éventuellement, de pouvoir être hors de son propre corps. Ensuite, nous verrons s’il nous faut concevoir que l’homme puisse réellement être hors de son corps. Et enfin, comme cette idée peut paraître étrange, ou réservée aux situations pathologiques (comme le cas du schizophrène), nous pourrons comprendre pourquoi l’existence de l’homme suppose qu’il est un entre-deux, entre son corps propre, charnel, et le monde.
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Voilà quelques siècles maintenant que le corps humain n’est plus tabou. Les dissections et même les vivisections avaient, certes, été pratiquées dans l’Antiquité, dans l’Égypte des Ptolémée, sur les condamnés. Interdites par le droit romain, mais jamais condamnées formellement par l’Église catholique, en dépit du respect dû au corops promis à la résurrection à la fin des temps, elles se pratiquent assez fréquemment dès le XIIIe siècle (notamment pour le diagnostic des épidémies). Avec la science moderne, ce qui était encore exceptionnel va se généraliser aussi bien pour les autopsies que pour l’étude de l’anatomie humaine. Les travaux de Vésale et la « leçon d’anatomie du Docteur Tulp » de Rembrandt (un tableau commandé par la guilde des chirurgiens) ne sont donc pas des événements inauguraux ! L’idée cartésienne du « corps machine » contribue aussi à lever les scrupules concernant les expérimentations sur les cadavres : depuis longtemps on peut faire figurer dans les dispositions testamentaires le don de son corps à la science. Et désormais le consentement au prélèvement d’organes est supposé, sauf indication contraire manifestée clairement du vivant du sujet. Ce qui pose des problèmes plus délicats, c’est l’expérimentation sur le corps humain vivant.
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Jeudi (08/03/18)
Pour la philosophie idéaliste, la connaissance d’autrui est une énigme. Je peux me connaître moi-même puisque je suis conscient de moi-même. Mais les autres, comment peut-on savoir qu’ils sont comme nous des êtres conscients, des « consciences de soi » ? La plupart des thèses élaborées par la philosophie échoue à donner une réponse à cette question. Ce que nous verrons en premier lieu. Mais ces échecs viennent de ce que l’on ne part pas du niveau le plus fondamental, de l’expérience première que nous faisons de nous-mêmes et d’autrui, une expérience qui est d’abord corporelle. Enfin nous verrons l’expérience d’autrui est d’abord fondamentalement une expérience d’inter-corporéité à partir de laquelle seulement peut se manifester l’intersubjectivité, c’est-à-dire la reconnaissance d’autrui comme autre moi-même. Il restera à se demander dans quelle mesure cette expérience réussit à donner une connaissance.
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Dimanche (21/01/18)
Lorsque l’on prétend avoir le droit pour soi, on entend par droit, le droit positif, c’est-à-dire celui qui définit les lois et prescrit ce que l’on peut faire ou ne pas faire au regard des règles de la cité. Face à ce droit positif, nous pouvons avoir deux attitudes : soit respecter les lois, soit les enfreindre. Cependant, respecter les lois, c’est finalement avoir pour fin le respect de l’ordre établi dans la société. Pour autant, est-ce parce qu’on vit dans la légalité, que l’on peut être qualifié de juste ? Ne s’agit-il pas plutôt ici d’affirmer que lorsqu’on respecte les lois, on ne fait que se conformer aux règles de la cité, on ne fait qu’obéir ? La
vertu morale qui est le propre du juste ne dépasse-t-elle pas cette simple conformité à la loi ?
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Jeudi (04/01/18)
Nous avons l’expérience des corps et celle de notre corps en particulier. Pour tout dire, il n’y a guère que les corps et leurs transformations qui puissent être l’objet d’expérience si l’expérience est la mise en rapport de ma sensibilité avec les choses du monde. Peut-on parler d’expérience en dehors de ce vécu qui est nécessairement enraciné dans le corps ? Mais cette expérience du corps se pose immédiatement de manière double selon les subtilités même de la grammaire et de la sémantique de la langue française. La préposition « de », en tant qu’elle introduit le complément du nom, peut être aussi bien une marque de possession (comme le génitif latin) ou une marque de l’origine ou du lieu, etc. L’expérience du corps est ainsi l’expérience propre au corps, l’expérience que fait le corps ou l’expérience que le sujet fait du corps posé cette fois comme objet de l’expérience.
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Jeudi (05/10/17)
Si l’on voulait faire une classification générale des corps (un peu comme on fait une classification générale des êtres vivants), c’est certainement la division entre corps vivants et corps inertes qui s’imposerait en premier lieu. Les autres critères de distinction, par exemple solide, liquide et gazeux, sont éminemment contestables : ce ne sont que des états du corps et non des propriétés substantielles. Cette division entre corps vivants et corps inertes apparaît d’autant plus évidentes que les adjectifs « vivant » et « inerte » apparaissent comme des antonymes. Du reste les sciences de la nature semblent bien se diviser en deux grandes branches, la physique qui s’occupe des corps inertes et la biologie qui s’occupe des corps vivants. Cependant, on ne peut que constater le caractère problématique de cette grande césure dès qu’on cherche à sortir des dénominations purement formelles pour saisir conceptuellement ce que sont le vivant et l’inerte.
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Vendredi (03/03/17)
Parole, don, éthique
Donner sa parole, voilà qui engage au plus profond l’éthique. Si je donne ma parole, me voilà engagé à la tenir. Celui qui ne tient pas parole ne mérite pas qu’on lui fasse confiance et d’un certain point de vue il se place ainsi à l’écart de la
communauté politique dont il fait partie tant est-il que toute vie communautaire suppose précisément la confiance dans la parole, dans le pouvoir de la parole, la croyance dans les mots. Comprenons-nous bien : quand nous employons l’expression « parole donnée », il ne s’agit pas simplement des paroles solennelles, des promesses, des engagements, des serments ou des contrats. Il s’agit de tout l’usage de la parole : dès que je parle, je donne ma parole comme parole de vérité. Sinon, on ne peut pas dire que je parle ; je me contente de faire du bruit.
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Samedi (17/09/16)
Il y a déjà maintenant quelque temps, un ministre de la République avait qualifié les jeunes délinquants de « sauvageons ». On y vit une marque de mépris social, voire de racisme sournois. Il fallut au ministre rappeler ce qu’est un sauvageon : « Arbre ou arbuste qui a poussé spontanément dans la nature, et qui peut être prélevé et greffé. » Les sauvageons sont apparus dans la nature et pour devenir des arbres fertiles, ils doivent être greffés. La métaphore arboricole du ministre définit donc l’éducation comme une greffe faite sur un plant naturel, une greffe en tous points utile. Mais d’un autre côté, métaphore pour métaphore, l’éducation paraît semblable à l’art de dompter les fauves. Le fauve dompté perd toute sa puissance naturelle, il devient une bête fragile qui pourrait à grand-peine être relâchée dans la nature. C’est ce que dit Calliclès à Socrate (cf.
Gorgias), ton éducation veut rogner les griffes des lionceaux. La greffe accompagne le mouvement naturel, l’oriente, le dressage dénature. Telle est bien l’ambivalence essentielle de l’éducation.
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Lundi (05/09/16)
Au moment même où Descartes fait de l’
ego cogito le « sol natal de la vérité » (Hegel), les moralistes que Nietzsche appréciait tant, les Pascal et les La Rochefoucauld, démontaient méthodiquement les illusions du moi. Pas de Dieu trompeur ni de malin génie : le grand trompeur, c’est le moi.
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Ecrit par dcollin
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Être hors de soi : nous ne manquons pas d’occasions pour user de cette expression. De celui que la colère emporte, nous disons qu’il est hors de lui. Expression imagée comme « perdre la tête », « ne pas être soi-même », « être hors de soi » désigne un état anormal, une perte de contrôle de soi-même, sous l’effet d’affects trop puissants. Le sujet « hors de lui » n’est plus lui-même, comme si démon s’était emparé de son âme. Mais en aucun cas, ce genre d’expression ne pourrait caractériser l’homme dans son état normal. Toute notre topologie du sujet humain semble reposer une claire séparation entre l’intériorité et l’extériorité. Rentrer en soi-même, c’est méditer, faire son examen de conscience et c’est là que le sujet est censé trouver sa vérité. Saint-Augustin (dans
Les confessions), Descartes (avec l’expérience du cogito et sa défense de la pratique méditative) ou encore Jean-Jacques Rousseau, (Les confessions) proposent la même orientation de la pensée. Être hors de soi, c’est donc, dans ce cas, renoncer à soi-même, même si ce n’est que temporairement.
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Ecrit par dcollin
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Jeudi (09/06/16)
Le XXe siècle a vu la naissance de formes politiques radicalement nouvelles, les États totalitaires, typiquement l’Allemagne nazie et l’URSS stalinienne, que Hannah Arendt désigne plus volontiers non pas comme « États totalitaires » mais comme « système totalitaire ». La nuance n’est pas mince et ouvre une discussion dont l’enjeu est capital : l’État totalitaire est-il un État au sens propre du terme et alors son existence pose un problème grave visant l’idée même de l’État en général ; ou, au contraire, l’État totalitaire est-il une forme pratiquement inédite de domination des hommes, une forme qui se développerait sur la décomposition interne des États ? Si on adopte la première hypothèse, alors se pose la question de la nature même de l’État. Certains auteurs, comme le juriste du régime nazi Carl Schmitt soutiennent que le pouvoir étant celui qui décide de la situation d’exception, l’État nazi n’est qu’une forme tout à faire légitime de ce pouvoir souverain. S’appuyant sur une interprétation (« délirante » dit Léo Strauss) de Hobbes, Schmitt soutient la légitimité absolue des lois de Nuremberg de 1935. Pour les anti-étatistes libertariens ou anarchistes, l’État totalitaire apparaîtrait ainsi comme le révélateur de ce qu’est potentiellement tout État – ce qui explique sans doute la fascination de nombreux auteurs classés à l’extrême-gauche pour Carl Schmitt : leurs jugements sur l’État sont à l’opposé de ceux de Schmitt mais ils partagent avec lui un problématique commune. Si l’on adopte la deuxième position, disons, pour aller vite, celle défendue par Hannah Arendt, alors le système totalitaire ne serait pas à proprement parler un État mais au contraire une forme nouvelle de domination née sur les décombres de l’État-
nation tel qu’il est constitué en Europe entre la Renaissance et le XXe siècle. Si cette deuxième hypothèse est la bonne, alors il faudra en tirer les conclusions, à savoir que les thèses anti-étatistes ne sont pas des remèdes contre le totalitarisme mais bien plutôt des ingrédients de ce système.
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Ecrit par dcollin
à 18:01
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Dimanche (05/06/16)
Explication du paragraphe 214 de l’essai Questions concernant certaines facultés attribuées à l’homme.
Le problème soulevé par Peirce est de savoir si nous pouvons distinguer intuitivement une intuition d’une connaissance par inférence.
Posons ceci tout de suite pour que ce soit clair :
-
une connaissance déterminée par une connaissance antérieure est une connaissance par raisonnement ou discursive. Elle est déterminée à partir de faits extérieurs et non à partir de l’intériorité, c’est une connaissance par inférence.
-
une connaissance déterminée par un objet transcendantal, soit une connaissance dans laquelle l’objet se donnerait immédiatement à l’esprit est une connaissance intuitive. Il s’agit d’une prémisse absolument première qui ne pourrait être déterminée que par son objet transcendantal, c’est-à-dire tout objet de la pensée extérieur par définition à cette pensée.
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Ecrit par marie-pierre
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Lundi (23/05/16)
Il semble bien que nous soyons tous déchirés entre une aspiration à la liberté, un désir de liberté sans contrainte – un désir dont Freud qu’il est profondément asocial ou antisocial – et un désir de sécurité, de protection contre les accidents de la vie – un désir dont Freud voit le prototype dans la recherche de l’amour du père qu’exprime le petit enfant dans la situation de
Hilflosigkeit, de détresse ou de « désaide » comme disent les traducteurs contemporains de Freud. Ce déchirement entre deux désirs puissants et contradictoires (en apparence) structure souvent le débat politique. Après tout, ma liberté rouler à tombeau ouvert s’oppose à l’impératif de la sécurité routière ! Il semblerait qu’il y ait toujours à arbitrer entre liberté et sécurité. Les partisans de la priorité à la sécurité, fût-ce au détriment des libertés individuelles élémentaires, taxent leurs adversaires d’« angélisme » et les partisans de la liberté, quelles qu’en soient les conséquences, dénoncent les lois « liberticides » de leurs adversaires. Échange incessant d’arguments réversibles: les partisans de la « sécurité » ne sont pas les derniers à défendre une société du risque pendant que les partisans de la liberté soutiennent des lois qui visent à contrôler l’individu jusque dans les domaines les plus intimes. Entre les deux, il ne resterait qu’à chercher où placer le curseur.
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Ecrit par dcollin
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