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Sur l'origine de l'inégalité

À propos de "L'homme et l'inégalité"

Dans L'homme et l'inégalité : L'invention de la hiérarchie à la préhistoire (éditions du CNRS, 2008) Brian Hayden nous livre  une brève synthèse à la question de l'inégalité en s'appuyant non sur des raisons théoriques mais sur des "documents" archéologiques ou ethnologiques. Alors qu'on associe généralement l'inégalité avec la sédentarisation et la révolution néolithique, Hayden montre qu'il faut remonter beaucoup plus loin en arrière et que l'existence d'une importante stratification est perceptible dès le palolithique moyen, chez des groupes de chasseurs-cueilleurs. La seule condition d'apparition d'inégalités sociales est l'existence de surplus alimentaire suffisamment importants pour qu'un groupe restreint puisse convaincre ou contraindre le reste du groupe à travailler pour des productions de prestige à destination des chefs.

Par la même occasion, Hayden réfute les interprétations de l'origine de l'inégalité en termes de pression démographique, par exemple, ou les interprétations fonctionnalistes (l'inégalité profite au groupe et permet de maximiser les ressources). Il défend une interprétation politique de l'origine de l'inégalité: certains individus auraient la capacité d'imposer politiquement (par la capacité de convaincre et de tromper) un système social "transégalitaire". Ces individus, Hayden les définit comme "triple A": avides, agressifs, accumulateurs. Tant que le groupe est confiné dans les conditions de la survie immédiate, sans aucun surplus, les "triple A" ne peuvent s'imposer – à vouloir exploiter les autres, ils risquent tout simplement d'être tués. Mais dès lors que la nourriture est abondante, ils peuvent réussir à faire valoir leur point de vue et leurs intérêts et enclencher un mécanisme d'accumulation ...  dans lequel nous sommes encore! Hayden émet l'hypothèse que 90% des problèmes graves de l'humanité seraient ainsi causés par 10% des individus.

Hayden, s'il donne des faits, ne s'étend pas beaucoup sur les raisons qui expliqueraient que la majorité d'un groupe puisse se laisser tromper et manipuler par des chefs. La superstition est fondée sur la crainte, et ce genre de crainte est, selon Spinoza, "le grand secret du régime monarchique" (cf; "Traité théologico-politique") et sans doute ces phénomènes "idéologiques" expliquent-ils en partie la capacité des "triple A" à manipuler leurs congénères. L'observation, non pas de sociétés disparues, mais de la nôtre permettrait de corroborer cette hypothèse...

La thèse de Hayden, notamment par la place déterminante qu'elle donne à des phénomènes proprement politiques, semble mettre en cause les explications "marxistes" traditionnelles, notamment, pour ce qui concerne la révolution néolithique, le travail de Gordon Childe. Mais peut-être permet-il d'y apporter surtout des correctifs. D'une part, en faisant une place plus importante à l'activité politique, on devrait définitivement tourner la page d'une conception schématique des relations "infrastructure/superstructure". D'autre part, on pourrait se faire à l'idée que les rapports sociaux de domination déterminent le type de développement de la production de la richesse matérielle des sociétés - à l'encontre des explications qui font du développement des "forces productives" le moteur de l'histoire.

Ecrit par dcollin le Lundi 17 Août 2009, 08:25 dans "Bibliothèque" Lu 7377 fois. Version imprimable

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